Une page se tourne dans les annuaires
À l'occasion de la fermeture symbolique de l'annuaire DMOZ, nous ne pouvions pas ne pas nous interroger sur les évolutions numériques ayant conduit à cette déroute. Un sort funeste qui, rappelons-le, avait frappé Yahoo! de plein fouet il y a seulement quelques années.
Cette terrible hécatombe n'est pas anodine. Elle est le reflet d'un changement profond de paradigme affectant durablement notre rapport à l'information sur le Web. Les moteurs de recherche et leurs algorithmes, canonisés par l'Église Google, ont su rassembler les fidèles et convertir les derniers hérétiques. La religion du « search » est devenue une telle évidence dans l'esprit des internautes qu'une profession de foi en deviendrait presque blasphématoire.
Ces moteurs de recherche que nous avons accueillis avec béatitude ont pourtant une influence insidieuse sur nos facultés mentales. En faisant le travail de classification à notre place avec autant de zèle, ils encouragent inéluctablement la boulimie informative. Or, comme l'explique Nicholas Carr dans Internet rend-il bête ?, notre intellect suffoque face à la charge. La lecture profonde devient pénible et notre cerveau distrait par l'omniprésence de l'hypertexte s'habitue à jongler à grande vitesse avec des bribes d'informations.
L'annuaire web, bien que sous l'influence de l'hypertexte, est un prolongement de ce que nous connaissions sur papier. Il présente un index non calculé et non dissimulé sur lequel s'arc-boute une classification manuelle rigoureuse par catégories et sous-catégories. La patience était de mise pour maintenir un annuaire et pour y chercher des informations, mais ce rythme-là n'était-il pas salutaire et plus respectueux de notre cognition ?
Les annuaires ont à l'évidence été conçus par les humains, pour les humains. Les moteurs de recherche, eux, ont plutôt été conçus par les humains, pour les robots. Attention à ne pas y perdre votre âme...